Handicap Réflexions

De l’acceptation du handicap à la passion du voyage

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30 décembre 2017

Dès petite j’ai vu ma mère, ma grande-mère ainsi que d’autres membres de la famille vivre avec la maladie, en l’acceptant plus ou moins. Comme la paraplégie spastique dont je suis atteinte est une maladie génétique à gène dominant je savais très bien qu’il y avait un risque sur deux que j’en sois moi-même atteinte. Voyant la maladie progresser chez mes proches et vivant avec elle au quotidien, il est tentant de croire que l’acception de ma propre condition de personne handicapée serait plus facile. En réalité ce n’est pas aussi simple.

Le diagnostic n’a pas été une étape difficile. J’avais pris l’initiative de m’y confronter en voyant les premiers symptômes de la maladie, je savais ce qui m’arrivait. Mais comme la maladie est dégénérative je m’apprêtais à revivre ce processus d’acceptation à chaque nouvelle avancée de la maladie. Confrontée aux premières chutes, aux regards de plus en plus présents des autres, à cette perte progressive de la marche, je devais refaire ce travail d’acceptation à chaque fois. Accepter prend du temps et, parfois, dès que l’on pense avoir franchi ce cap une nouvelle difficulté pointe le bout de son nez.

Au détour d'une route de Nouvelle-Zélande.

Au détour d’une route de Nouvelle-Zélande.

Je redoutais le moment du passage en fauteuil roulant. Un de mes kinésithérapeutes m’avait dit : « On a beau s’y préparer ça reste toujours difficile ». J’avais peur. Peur de ce que j’allais ressentir, peur du regard des autres, peur de ne pas m’accepter moi-même.

Finalement les choses se sont faites naturellement. J’avais envie de voyager depuis un bon moment alors lorsque j’ai perçu mes premiers salaires j’ai économisé et, avec Franck mon conjoint, nous avons décidé de partir au Japon trois semaines. J’étais face à l’évidence que si je voulais profiter pleinement de ce voyage, sans souffrir de la fatigue et des douleurs, je n’avais pas d’autre choix que de partir avec un fauteuil roulant. Alors je suis allée acheter mon premier fauteuil roulant.

A ma grande surprise je n’ai pas été submergée par un sentiment de tristesse, de gêne ou de honte… Je me suis sentie libre ! Je retrouvais plus d’autonomie dans mon quotidien, plus de liberté. Ce sentiment de liberté s’est décuplé lors de notre voyage au Japon. Je prenais conscience de tout ce que peux faire. Je me suis ouverte au monde et je me suis redécouverte moi-même en découvrant ce sentiment de liberté. J’étais capable de faire bien plus de choses que je ne le pensais. Ce n’est pas le handicap qui m’en empêchait. J’étais ma propre limite. Ce voyage a été un moment important de ma vie. J’y ai compris et ressenti beaucoup de choses. Je me suis sentie vivre. J’étais heureuse et sereine. J’avais accepté encore un peu plus mon handicap et je m’étais découverte une passion pour le voyage. Une passion pour la découverte de soi à travers la découverte d’autres cultures.

Découverte du quartier Odaiba à Tokyo.

Découverte du quartier Odaiba à Tokyo.

Au fil des mois, et après un autre voyage au Portugal, j’ai compris que le voyage allait prendre une place importante dans ma vie. Partir en vacances dans un pays ne me suffisait plus. Je voulais découvrir l’expérience de vivre dans un autre pays alors nous sommes partis en Nouvelle-Zélande avec en poche un visa valable un an. Et comme l’opportunité était trop belle, nous avons profité du chemin du retour pour découvrir l’Asie du sud-est pendant trois mois et demi et ce n’est donc que seize mois après notre départ que nous sommes rentrés en France. Seize mois pleins de découvertes, de paysages magnifiques, de nouvelles expériences et de belles rencontres. Seize mois intenses en émotions. Vivre mon handicap, l’accepter m’a permis de vivre tellement de choses que je n’aurais jamais vécues sans cela. Parfois encore je me surprends à réaliser : je suis partie vivre à l’autre bout du monde ! Pour la première fois de ma vie je suis montée à cheval, j’ai donné des cours d’anglais à l’orée de la jungle, fait du bénévolat dans des familles néo-zélandaises, remonté une rivière en canoë sur plusieurs jours et j’ai même skié et plongé pour la première fois !

Rencontre amusante au détour d'une balade en Sulawesi (Indonésie).

Rencontre amusante au détour d’une balade en Sulawesi (Indonésie).

Je me rappelle aussi de ce jour où, avec Franck et notre ami Dimitri, nous avons entrepris de faire une marche de plusieurs heures sur les moraines d’un glacier pour s’approcher au plus près de celui-ci. Je ne suis pas allée jusqu’au glacier. Je me suis arrêtée avant la dernière montée. Celle-ci est trop raide, il m’était impossible de la monter. Alors j’ai laissé les garçons aller jusqu’au bout et je suis restée dans mon fauteuil roulant à contempler ce glacier. Je suis restée là, immobile sous la pluie, à prendre conscience du chemin que j’avais parcouru en quelques mois. J’étais heureuse de ce que j’avais accompli. Heureuse de voir de la fierté dans les yeux de l’homme que j’aime. Ravie de voir les autres randonneurs réaliser que cela est possible, de recevoir leur soutien.

A la conquête du glacier Franz Josef.

A la conquête du glacier Franz Josef.

C’est dans ces moments là que je me sens la plus vivante. Alors d’autres aventures, d’autres rencontres, dans d’autres pays il y en aura encore pleins. Tous ces voyages seront différents mais tous auront des points communs : la volonté de rencontrer, d’en apprendre plus sur d’autres façons de vivre et de véhiculer un message porteur d’espoir sur le handicap. Sans le handicap j’aurais sans doute été une personne différente. J’aurais eu d’autres envies, j’aurais peut-être moins voyagé. Mais la maladie fait bel et bien partie de ma vie et m’a fait prendre conscience de ce que la vie nous offre, même en situation de handicap. Nous sommes souvent notre propre limite alors que nous pouvons être heureux malgré le handicap. Il est possible d’avoir des rêves et de les réaliser malgré le handicap. C’est pour faire passer ce message que je continuerai à vous raconter mes aventures. Pour apporter une petite dose de rêve dans ce quotidien pas toujours facile tout en invitant à la réflexion sur l’handivoyage.

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12 Comments
  1. Répondre

    Tina

    30 décembre 2017

    Quel courage pour se lancer dans l aventure au bout du monde !!!🙏🙏🙏 beaucoup de personnes aimeraient voyager mais n osent pas aller au bout de leur rêve, soit parce qu elles sont seules, soit par peur de l inconnu, ou pour d autres raisons…. D autres s elancent et sont totalement acteurs de leur vie, quelles que soient les difficultés ou les handicaps. To know, to want and to dare, that s the secret of the life, isn it ? J ai decouvert recemment l histoire d un homme privé de ses yeux qui voyage a travers le monde, et seul … vous souhaite d autres beaux voyages et jolies rencontres 😉 p.s. jm bcp votre «I wheel travel» Aurélie

    • Répondre

      Aurélie

      30 décembre 2017

      Merci Tina. Si vous avez un lien vers l’histoire de cet homme aveugle qui voyage je suis prenante ! J’aimerai bien découvrir ses aventures 😉

  2. Répondre

    Alicia L.

    30 décembre 2017

    Article magnifique.
    Bravo pour ton courage et ta persévérance 😊

    • Répondre

      Aurélie

      30 décembre 2017

      Merci Alicia. Je suis bien entourée aussi, ça aide 😉

  3. Répondre

    Estelle

    31 décembre 2017

    Très bel article oú tu te dévoiles personnellement et très joli parcours voyagesque. Je te souhaite de continuer sur la même lancée en 2018. Poursuis tes envies et continue à partager ton message.

    • Répondre

      Aurélie

      2 janvier 2018

      Merci Estelle. Je te souhaite aussi une très belle année 2018 pleine de nouveaux voyages et de nouveaux articles de blog 🙂

  4. Répondre

    Boulogne

    13 janvier 2018

    Très beau article merci pour votre témoignage que rien est impossible
    C’est vrai que cela n’est pas facile le regard des gens , je me bat pour ne pas être en fauteuil même si je sais que je le serai un jour ( discopathies dégénérative) alors merci pour ce voyage qui fait rêver et bon courage

  5. Répondre

    Amy

    25 février 2018

    Bonjour,
    C’est avec un peu d’émotion mais aussi beaucoup d’admiration que je lis cette article. Ça fais un moment que je lis tes aventure sans me poser la question de ton handicap.
    Je suis atteinte d’une maladie spastique (maladie de strumpell lorrain). La perte de la marche à été progressive (chute, pied qui but etc) mais rapide, je me suis retrouvé en fauteuil sans même savoir se qui m’arrive. Je voyage beaucoup aussi et ton expérience me donne envie de tenter les pays qui me font rêver. Merci pour cette article.

  6. Répondre

    Mila

    27 juillet 2018

    C’est marrant, je viens régulièrement sur ton blog et pourtant, je n’avais pas lu cet article. Franchement, je trouve qu’il te représente bien. Cette positive attitude que tu as, tout le temps, constamment, c’est beau ! Bravo à toi pour tout ce que tu es et pour ta détermination, je t’admire énormément !

    • Répondre

      Aurélie

      27 juillet 2018

      Merci Mila. J’ai la chance d’avoir de belles personnes autour de moi ça aide beaucoup à rester positive aussi 🙂

  7. Répondre

    Dr. CaSo

    6 juin 2020

    Bonjour, je viens de découvrir ce blog grâce à un ami qui m’a envoyé le lien. Je suis suissesse et je marche avec des béquilles, et j’ai fait 10 ans d’études universitaires aux Etats Unis, et ça fait maintenant 14 ans que je vis dans l’ouest du Canada. Je me réjouis de lire ton blog 🙂

    • Répondre

      Aurélie

      9 juin 2020

      Hello, oh c’est génial une aventurière de plus sur le blog. Ca doit être vraiment enrichissant des longues expériences d’expatriation comme les tiennes ! En tous cas un grand merci pour ton message. Ca fait plaisir 🙂

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